• 16 Décembre 2016

    Application de la réforme du droit des contrats

    Réforme du droit des contrats et son application :

    L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats entre en vigueur dès sa publication au titre de l’article 38 de la Constitution, à condition toutefois qu’un projet de loi de ratification soit déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation.

    En effet, l’article 38 dispose que :

    « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. »

    C’est ainsi qu’un projet de loi de ratification a été déposé le 6 juillet 2016 devant le Parlement dans le délai 6 mois suivant l’ordonnance, délai fixé par la loi d’habilitation du 16 février 2015.

    Bien que la réforme du droit des contrats portée par l’ordonnance du 10 février 2016 ait fait l’objet d’un tel dépôt de projet de loi, cette dernière n’a jamais été votée par le Parlement. En effet, aucun délai obligatoire n’existe pour le législateur d’adopter une telle loi.

    Elle n’a donc qu’une valeur réglementaire en l’absence de loi de ratification. Cette situation a ainsi interpellé Stéphane Larrière dans un article rédigé le 16 octobre 2016 et accessible à l’adresse internet suivante : http://laloidesparties.fr/reforme-droit-contrats.

    Il semble difficile, selon lui, qu’un texte de nature réglementaire et en l’absence de ratification expresse lui conférant une valeur législative, puisse modifier la loi existante, au regard de la hiérarchie des normes.

    Ainsi, bien que l’ordonnance soit entrée en vigueur, elle ne serait pas applicable car elle resterait un acte administratif qui ne peut modifier la loi existante tant que l’étape de la ratification n’a pas été respectée.

    Monsieur Larrière va encore plus loin en déclarant que trois régimes pourraient cohabiter :

    • les dispositions anciennes du Code civil à valeur législative,

    • Les règles nouvelles de l’ordonnance à valeur réglementaire,

    • Les dispositions de la loi de ratification si elles venaient à modifier l’ordonnance de février 2016.

    Cependant, il semble difficile de contester l’application de cette réforme du droit des contrats, car les délais ont été tenus. En effet, le projet de loi de ratification a été déposé, et l’article 38 de la Constitution n’exige nullement que le projet de loi de ratification soit voté ou même discuté, et ne prévoit, en outre, pas de délai pour une telle ratification, il suffit que le projet soit déposé. La réforme est donc entrée en vigueur et n’est pas caduque.

    Il est cependant possible que la loi de ratification à venir apporte des modifications aux dispositions de l’ordonnance. Cela pourrait alors faire évoluer le contenu de cette ordonnance et créer deux situations différentes entre les dispositions antérieures à la loi de ratification issues de l’ordonnance, et celles issues de la loi de ratification en cas de modifications de l’ordonnance (G. Chantepie, 12 juillet 2016, Blog Dalloz – réforme droit des contrats).

    En outre, et depuis la réforme constitutionnelle de 2008, la ratification doit être expresse comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 38. Ainsi, le projet de loi revêt quasiment une fonction conservatoire en attendant la loi de ratification. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont validé ce principe de validation expresse, en jugeant qu’une ordonnance non expressément ratifiée a un caractère règlementaire et que ses dispositions n’ont pas de valeur législative (CE, 11 mars 2011, M. Alexandre A., n° 341658 et CC n° 2011-219 QPC du 10 février 2012).

    Ainsi, l’ordonnance est entrée en vigueur suite au dépôt du projet de loi de ratification, mais elle reste un acte règlementaire dans l’attente de la loi de ratification pour donner valeur législative aux dispositions prises. Dans cette attente, ces dispositions ne peuvent être contestées que devant le Conseil d’État et non devant le Conseil constitutionnel par voie de QPC (question prioritaire de constitutionnalité).

    Il semble donc que l’application de la réforme ne soit pas discutable puisque le projet de loi a été déposé, les dispositions de l’ordonnance sont donc entrées en vigueur le 1er octobre 2016. Il reste à savoir si la loi de ratification portera modification des dispositions de l’ordonnance ce qui pourrait engendrer deux régimes de droit (G. Chantepie, précitée).

    Camille NOAILLES Avocat à la Cour