• 18 Janvier 2021

    Le droit d’auteur et la vente de livres électroniques d'occasion ? Faut-il payer à nouveau ?

    La grande chambre de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), dans un arrêt du 19 décembre 2019[1], répond par la négative.

    Quelques éléments de contexte pour comprendre l’impact d’une telle décision.

    Le titulaire de droits d’auteur ne peut s’opposer à une revente de la copie d’une œuvre protégée par le droit d’auteur par son acquéreur, à la condition que cette copie ait été licitement mise en circulation sur le territoire européen, c’est-à-dire avec l’autorisation de l’auteur. C’est la règle de l’épuisement du droit de distribution[2], instaurée sur l’ensemble du territoire de l’Union Européenne (UE) pour les reproduction des œuvres matérialisées sur un support (un livre par exemple, un CD ou un DVD), qui a été transposée en droit français dans le code de la propriété intellectuelle en ces termes :  « Dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une œuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette œuvre ne peut plus être interdite dans les États membres de la Communauté européenne et les États parties à l'accord sur l'Espace économique européen » (CPI, art. L. 122-3-1).

    On comprend que le droit européen consent à respecter les prérogatives de l’auteur ou du titulaire de droit voisin (voisin, car leurs titulaires ne créent pas d’œuvre de l’esprit mais l’interprètent, la financent ou la communiquent), mais jusqu’à un certain point… Il ne faudrait pas en effet pour le législateur européen que l’exercice de ces prérogatives fasse obstacle à la ô combien sacrée libre circulation des marchandises et des services, liberté fondamentale sur laquelle repose le marché unique depuis sa création, sauf si cet obstacle est justifié par les impératifs tenant à la nature même de la protection du droit intellectuel. On peut anticiper que la qualification par le juge de ce qui est impératif ou non sera délicate et imprévisible. Elle se fait souvent au détriment des titulaires de droits de propriété littéraire et artistique. Le droit européen s’est donc attaché à définir les attributs vitaux du droit de la propriété littéraire et artistique, pour mieux préciser les hypothèses dans lesquelles l’exercice de ce droit outrepassait ses finalités essentielles.


    La CJUE considère donc dans cet arrêt que cet épuisement n’est pas transposable au monde virtuel des copies-fichiers numériques. Hourra pour les artistes ! L’application de l’épuisement du droit de distribution à des fichiers immatériels est strictement cantonnée aux logiciels.


    Dans cette affaire, NUV et GAU, associations ayant pour objet la défense des intérêts d’éditeurs néerlandais, ont été mandatées par plusieurs éditeurs afin d’assurer la protection et le respect des droits d’auteur qui leur ont été octroyés par des titulaires de ces droits par l’intermédiaire de licences exclusives.

    La société Tom Kabinet gère un site Internet sur lequel elle a ouvert un service en ligne le 24 juin 2014, consistant en un marché virtuel de livres électroniques « d’occasion » (parce que vendu à des prix plus bas que ceux du téléchargement initial). Le 1er juillet 2014, NUV et GAU ont, sur le fondement de la loi sur le droit d’auteur, introduit un recours à l’encontre de cette société, entre autres, devant le tribunal d’Amsterdam au Pays-Bas visant ce service en ligne. Demande qui fut rejetée par ledit tribunal, considérant que l’existence d’une violation du droit d’auteur n’était, à première vue, constituée. Le jugement a été confirmé par la Cour d’appel d’Amsterdam (20 janvier 2015), étant précisé que la cour interdit à Tom Kabinet d’offrir un service en ligne permettant la vente de livres électroniques téléchargés illégalement.


    Tom Kabinet s’exécute, modifie les prestations pour un « club de lecture » proposant à ses membres, moyennant le paiement d’une somme d’argent, des livres électroniques « d’occasion » achetés par Tom Kabinet, ou donnés à titre gratuit à cette dernière par les membres du club.

    Les associations de défense des éditeurs ont dès lors considéré que ces activités portaient atteinte aux droits d’auteur de ses affiliés sur ces livres électroniques. Selon eux, en proposant des livres électroniques « d’occasion » à la vente dans le cadre du club de lecture, la société Tom Kabinet effectuait une communication au public non autorisée de ces livres.

    La société soutenait au contraire que de telles activités relevaient non pas du droit de communication mais du droit de distribution soumis par la directive « droit d’auteur » à la règle de l’épuisement des droits, les livres électroniques ayant été vendus dans l’UE par les titulaires des droits ou avec leur consentement. Tom Kabinet estimait que les éditeurs, suite à la vente des livres électroniques, ne bénéficiaient plus du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire leur distribution au public.


    La question épineuse soumise à la cour européenne était la suivante : la fourniture par téléchargement d’un livre électronique « d’occasion », pour un usage permanent, relevait-elle du « droit de distribution au public » (soumis à épuisement) prévu à l’article 4, §1 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, ou bien du droit de « communication au public » (non soumis à épuisement) au sens de l’article 3 de cette même directive ? Suspense insoutenable….

    La CJUE considère qu’il s’agit d’une mise à disposition sur demande qui relève du droit de communication au public. Autrement dit, que le droit d’auteur n’est pas épuisé et qu’il faut l’autorisation des éditeurs, et la rémunération des ayant-droit, pour une telle activité commerciale.

    Pour quelles raisons ? Les travaux préparatoires du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, à l’origine de la directive « droit d’auteur », réservent la règle de l’épuisement à la distribution d’objets tangibles, lorsque circulent des supports physiques des œuvres[3], tels que des livres sur support matériel. Les livres électroniques ne se détériorent pas avec l’usage, et constituent des substituts parfaits à des copies neuves.

    Dès lors, la vente de livres électroniques d’occasion par téléchargement constitue une communication au public et, plus particulièrement, une mise à disposition du public des œuvres des auteurs de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement, soumise à l’autorisation de l’auteur.

    En effet, pour la Cour de Luxembourg, il y a communication au public si une œuvre est communiquée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou, à défaut, auprès d’un public nouveau, c’est-à-dire un public n’ayant pas déjà été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre au public.

    Ainsi, la CJUE donne une définition large de la notion de « communication au public » : il s’agit de toute communication à un public non présent sur le lieu de la communication d’origine et de toute transmission ou retransmission de cette nature d’une œuvre au public, par fil ou sans fil. Un tel parti pris se comprend aisément dans la mesure où la mise à disposition d’un livre électronique est en général accompagnée d’une licence d’utilisation autorisant seulement sa lecture par l’utilisateur l’ayant téléchargé, à partir de son propre équipement.

    Mais alors qu’en est-il, sous une autre perspective, d’un auteur qui pourrait choisir la blockchain, cette technologie de stockage et de transmission d’informations, comme moyen de diffusion en s’affranchissant de tout intermédiaire ? Par exemple, en incorporant un livre à un jeton et en le vendant sur une blockchain, comme l’avait fait l’artiste Richard Texier en émettant un jeton dénommé « Elastochain » et en y incorporant son livre intitulé Le Manifeste de l’Elastogenèse, initiative montrant tout le potentiel de la blockchain comme outil de diffusion ou de distribution des œuvres. La question vaut la peine d’être posée puisqu’on pourrait se dire qu’en incorporant un livre dans un jeton, il devient alors une copie unique et traçable de l’œuvre susceptible d’appropriation qu’on pourrait prêter ou céder, comme on peut le faire avec un livre physique. Cela va au-delà du e-book, qui n’est qu’une licence de lecture : avec la blockchain, on redonnerait un corps à une œuvre dématérialisée, rien que ça ! Avec cette décision, la question qui se pose est de savoir si le consentement de départ donné par l’auteur valide les exploitations futures y compris par ce type de biais touchant des publics nouveaux, ou si à chaque étape non prévue, le consentement de l’auteur est nécessaire.

    Cette décision s’inscrit donc dans les efforts déployés (enfin !) par les juges européens pour protéger les auteurs, grâce à une interprétation stricte des textes, en prenant en compte toutes les formes d’exploitation des œuvres au format numérique pour qu’ils puissent bénéficier d’une rémunération appropriée, d’où l’importance de recourir à un avocat spécialisé.

    L’épuisement des droits n’a certainement pas encore livré toutes ses subtilités…

    Maître Agnès Tricoire & Carole-Anne Bauer, élève avocate

    [1] CJUE, gr. Ch., 19 déc. 2019, aff. C-263/18 : JurisData n°2019-023778

    [2] not., Cons. CE, dir. 91/250/CEE, 14 mai 1991, art. 4 c. - PE et Cons. UE, dir. 2001/29/CE, 22 mai 2001, art. 4 - V. pour une interprétation de ce texte, CJUE, 21 juin 2012, aff. C-5/11, Donner

    [3] CPI, art. L. 122-6, 3° – CJUE, 17 avr. 2008, aff. C-456/06, Peek & Cloppenburg – CJUE, 3 juill. 2012, aff. C-128/11, Usedsoft – CJUE, 22 janv. 2015, aff. C-419/13, Art & Allposters International BV

     

  • 8 Janvier 2021

    L’affaire Villeglé : qui est l’auteur de ses toiles ? Lui ! a répondu la Cour de cassation

    Quel est le statut des personnes qui assistent les artistes ? Techniciens ou co-auteur ? Sont-ils de simples exécutants ou participent-ils à l’acte de création ? A qui appartient l’œuvre et les droits d’auteur sur celle-ci ? Tout dépend de la nature de leur intervention, répond la cour de cassation.


    Un litige opposait l’artiste Jacques Villeglé à ses assistants, et la première chambre civile de la Cour de cassation donna raison au peintre dans un arrêt du 20 mars 2019 sur lequel il est important de revenir pour que chacun puisse y trouver matière à réflexion[1]. Cet arrêt s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante en la matière où de nombreux assistants d’artistes revendiquent la qualité de co-auteur[2]. L’enjeu d’une telle détermination est de taille puisque l’œuvre de collaboration est la propriété commune des co-auteurs (CPI, art. L. 113-3, al. 1er), de sorte que tous les co-auteurs jouissent du droit exclusif d’exploitation de l’œuvre (droit de la reproduire et de la représenter) et du droit moral sur l’œuvre, constitué de quatre prérogatives (droit de divulgation, droit au nom, droit au respect de l’œuvre et droit de retrait ou de repentir) qui tendent à la protection de l’expression de la personnalité de l’auteur dans son œuvre.

     

    La cour explique d’abord que ce n’est pas parce qu’une œuvre est publiée sous le nom d’un seul auteur que d’autres co-auteurs se verraient interdire de faire valoir leurs droits. Cela va de soi, mais il fallait pour autant répondre à l’argument tiré de l’article 113-1 du code de la propriété intellectuelle. Celui-ci instaure ce qu’en droit on appelle une présomption simple : celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée est présumé auteur. Mais cette présomption est simple et non irréfragable, ce qui veut dire qu’on peut apporter la preuve contraire. En l’espèce, rien n’interdisait donc aux époux Di Falco de tenter de démontrer qu’ils étaient co-auteurs des œuvres de Villéglé.

     

    Mais pour cela, ils devaient prouver leur apport effectif à la création de l’œuvre[3], c’est-à-dire à son originalité, classiquement définie comme la marque de la personnalité de l’auteur.


    L’originalité de l’œuvre est l’unique et ô combien discuté et mystérieux critère de protection de l’œuvre par le droit d’auteur[4]. Selon la conception française du droit d’auteur, la création implique, en effet, que l’auteur exprime, à un degré plus ou moins élevé, de façon plus ou moins sensible, sa personnalité dans l’œuvre qu’il réalise. La loi se contente de définir l’œuvre comme la réalisation de la conception de l’auteur. Ce sont les juges qui, après de longues divergences, ont fini par poser le critère de l’originalité définie comme l’empreinte de la personnalité de son auteur : mais on est vite tenté de sortir de cet examen fermé entre l’auteur et l’œuvre, et de se demander si l’œuvre ne pourrait être la même si elle était élaborée par un autre. De là à la comparer avec tout ce qui existe, comme dans le système de la propriété industrielle, qui protège par exemple les dessins et modèles nouveaux, il n’y a qu’un pas que les juges franchissent régulièrement, malgré les rappels réguliers de la cour de cassation. La définition de l’originalité est par essence subjective et fondée sur ce lien d’inséparation entre l’auteur et l’œuvre. Néanmoins, le droit européen, qui s’impose aux tribunaux français, a fait évoluer cette notion d’originalité dont on retrouve une conception plus objective en droit anglo-saxon (où se rapproche de l’œuvre authentique, réellement faite par l’auteur qui la revendique). Pour créer un pont entre les deux conceptions, le juge européen définit donc désormais l’originalité comme l’expression de la créativité intellectuelle de l’auteur[5], lequel doit démontrer ses choix créatifs. Ainsi l’emporte une conception plus objective de l’originalité, éloignée de la tradition personnaliste du droit français et plus proche de la tradition du copyright anglo-saxon.

    Revenons au grand Jacques Villeglé. Artiste plasticien et peintre français né en 1926, il appartient au mouvement des nouveaux réalistes. Il est notamment connu pour ses œuvres réalisées à partir d’affiches trouvées dans la rue, lacérées par des passants ou tout simplement par l’effet du temps. Les époux Di Folco lui proposent, à partir de 1997, de créer dans leur propriété située au Marteret dans le Lot et Garonne un atelier. De 1997 à 2012, près de 800 œuvres de l’artiste sont réalisées dans cet « Atelier d’Aquitaine », avant que les relations entre l’artiste et le couple ne commencent à se dégrader.


    Le couple assigne l’artiste pour se faire reconnaître comme co-auteurs des œuvres crées dans cet atelier et divulguées sous le seul nom de Villeglé et voir qualifier ces créations d’œuvres de collaboration au sens de l’article 113-2, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle (ce qui implique un partage des droits d’auteurs, qu’ils soient patrimoniaux ou moraux). Ils soutenaient avoir collaboré au processus créatif des tableaux dits en affiches lacérées.

     

    Les premiers juges les avaient déboutés de leurs demandes en 1996. La Cour d’appel en fit de même dans un arrêt du 11 mai 2018[6].


    La Cour de cassation, qui ne juge que la façon dont les juges du fond ont jugé (c’est pourquoi on la dit juge du droit), approuve la décision d’appel : les assistants de Villeglé n’ont pas la qualité de co-auteur des œuvres litigieuses, car le couple n’avait réalisé que des opérations matérielles et techniques consistant à choisir et capter l’affiche dans la rue, à la cadrer en la redécoupant et en la lacérant, à fabriquer les châssis et leur entoilage, à maroufler l’affiche cadrée sur le châssis entoilée avec les lacérations finales et à inscrire le titre de l’œuvre au dos du tableau sans apport personnel créatif ; tandis que l’artiste choisissait lui-même les matériaux à l’atelier, avait seul défini, dès 1949, sa démarche artistique consistant à collecter dans l’espace public des affiches déjà lacérées par l’effet du temps ou des passants anonymes, sans cesser de venir à l’atelier de 1997 à 2012 et en inscrivant lui-même à l’issue de son cadrage des mesures très précises qui correspondaient à la taille finale de ses tableaux.


    Dès lors que Villeglé était seul auteur de ses œuvres, elles lui appartenaient et devaient par conséquent lui être restituées par les époux Di Folco.


    Le mode de production en collaboration invite donc à s’interroger sur l’implication de chaque personne dans l’acte de création afin de déterminer les titulaires de droits d’auteur d’une œuvre réalisée par un artiste et ses assistants. À cet égard, cet arrêt témoigne de l’appréciation très concrète des magistrats quant au rôle de chaque participant dans la réalisation d’une œuvre pour leur attribuer ou non la qualité de co-auteur.


    Dès lors, la qualité de co-auteur sera reconnue aux personnes pouvant prouver, concrètement, leur participation aux choix créatifs contribuant à la conception et à la réalisation de l’œuvre peu important que l’œuvre commune ait été divulguée sous le nom d’un seul artiste. Pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer la célèbre affaire Renoir dans laquelle l’artiste Richard Guino, alors assistant du peintre Renoir, avait revendiqué plusieurs décennies après la mort du peintre la qualité de co-auteur de sculptures, uniquement signées par Renoir. La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 novembre 1973[7] avait alors jugé que « Guino n’avait pas été un simple modeleur qui n’aurait pas fait un geste sans une indication de Renoir, qu’il travaillait seul pendant des heures parfois même loin de Renoir (…) la comparaison des tableaux de Renoir et des sculptures litigieuses relevait que certaines attitudes, certaines expressions avaient été acceptées et non dictées par Renoir et marquaient l’empreinte du talent créateur personnel de Guino », avant d’en conclure que « les sculptures auraient été autres si elles avaient été l’œuvre du seul Renoir ».


    Cette nécessaire démonstration d’un apport effectif à la création suppose une appréciation casuistique qui alimente l’aléa judiciaire et est parfois difficile à prouver, outre que l’on se méprend souvent sur ce qui est protégeable par le droit d’auteur. C’est pour éclairer ces points que servent les avocats spécialisés.

    Les artistes plasticiens assistés dans leur travail peuvent donc, avec cette décision de justice, mieux évaluer la nature du travail de leurs assistants. Car bien entendu, ceux qui interviennent réellement dans la forme de l’œuvre de façon originale peuvent revendiquer la qualité de co-auteurs. Bien que cela ne se fasse pas beaucoup dans le milieu de l’art, lequel n’est pas connu pour être le mieux informé du droit.


    Or l’accès à la connaissance permet bien souvent d’éviter les conflits.

     

     


    Maître Agnès Tricoire & Carole-Anne Bauer, élève avocate

     

     

    [1] Cass. civ. 1ère, 20 mars 2019, n°18-21.124

    [2] Cass. civ. 1ère, 21 mars 2006, n°04-19.958 ; Cass. civ. 1ère, 8 nov. 1983 : Bull. civ. I, p. 260 ; Paris, 25 oct. 2013, n°12/14338 : Propr. Intell. 2013, n°50, p. 59, obs. A. Lucas ; Paris, 6 sept. 2013 : JurisData n°2013-019321 ; Paris, 4e ch., 26 mars 1992 : D ; 1993, 84, obs. Colombet

    [3] V. déjà en ce sens : Cass. civ. 1ère, 22 févr. 2000, n°97-21.320

    [4] V. Agnès Tricoire, La définition de l’œuvre, Thèse Paris II

    [5] CJUE, 16 juillet 2009, Infopaq, C‑5/08 (pts. 37 et 39)

    [6] Paris, Pôle 5, chambre 2, 11 Mai 2018, n° 16/20657

    [7] Cass. civ. 1ère, 13 nov. 1973, Renoir c/ Guino, n°71-14.469

  • 26 Avril 2019

    Affaire des « silhouettes » sexistes de Dannemarie : dialogue entre un publiciste et une civiliste

    Arcticle d'Agnès Tricoire dans la revue Légipresse n°354 de novembre 2017

  • 26 Avril 2019

    Lady Gaga n’a pas parasité l’univers ou les oeuvres revendiquées d’Orlan

    Article d'Agnès Tricoire dans Légipresse n°366 de décembre 2018

  • 20 Février 2019

    Tribune sur les Femen dans Libération : le corps des Femen peut-il être politique?

    https://www.liberation.fr/debats/2019/02/19/le-corps-des-femen-peut-il-etre-politique_1710360

    Par Thomas Perroud, Professeur de droit public à Paris-II et Agnès Tricoire, Avocate au barreau de Paris — 19 février 2019 à 18:56

     

    La condamnation pour exhibition sexuelle d’une militante a été confirmée en janvier par la Cour de cassation. Une censure de la nudité comme moyen de protestation contre l’emprise du droit, de la morale, de la société et de la religion sur le corps des femmes

    La Cour de cassation a condamné en janvier, pour la deuxième fois, une Femen pour exhibition sexuelle. Qu’on se le dise donc, les Femen sont des exhibitionnistes sexuelles ! Les juges estiment que le regard que l’on porte sur ces femmes ne peut être qu’un regard concupiscent et que, dès lors, l’activisme seins nus doit être prohibé. Cet interdit doit satisfaire les religieux qui exigent que les femmes se couvrent le corps de peur qu’il ne suscite le désir des hommes. Plus grave encore, c’est un mode d’action politique qui est condamné : dénoncer, par la nudité, l’emprise des hommes sur le corps des femmes, faire du corps une arme politique est interdit. Alors que plusieurs juridictions du fond (1) avaient tenté de neutraliser l’infraction en estimant que l’intention n’était pas sexuelle, la Cour refuse cet argument.

    Les Femen sont des exhibitionnistes

    Rappelons brièvement les deux affaires. La première portait sur un happening ayant eu lieu au musée Grévin, le 5 juin 2014, au cours duquel une militante s’était introduite dans l’établissement, salle des chefs d’Etat précisément, le haut du corps dévêtu laissant apparaître l’inscription «Kill Putin». Cette réfugiée politique ukrainienne faisait tomber la statue de Poutine dans laquelle elle plantait un pieu métallique partiellement peint en rouge, en déclarant «Fuck dictator». Elle est condamnée, logiquement, pour vandalisme («dégradation de biens appartenant à autrui»), mais également pour exhibition par le tribunal. La cour d’appel relaxe sur l’exhibition sexuelle, estimant que la Femen avait cherché avant tout à éveiller la conscience politique du public sur ce chef d’Etat. Le 10 janvier 2018, la Cour de cassation censure ce raisonnement : la poitrine nue dans un lieu ouvert au public est une exhibition sexuelle. Point. On se moque de l’intention.

    La seconde affaire concerne l’action d’une autre Femen, française cette fois, seins nus dans l’église de la Madeleine (VIIIe arrondissement de Paris) au nom du droit à l’IVG. La cour d’appel de Paris ne s’intéresse pas au message politique, et se concentre sur la perception des témoins : «X a donc mis en scène une exhibition provocante de nature à offenser la pudeur publique et à blesser le sentiment moral de ceux qui ont pu en être les témoins, alors que ces derniers pouvaient légitimement s’attendre à ce que les personnes croisées dans un lieu de culte soient à tout le moins revêtues d’une tenue décente. X a d’ailleurs admis lors de l’audience qu’elle avait délibérément choisi ce lieu après des repérages, en raison de l’image forte qu’il suscitait et que des gens pouvaient se sentir directement concernés, visés, voire blessés par cette action.» On croirait lire la condamnation des Fleurs du mal. Le 9 janvier 2019, la Cour de cassation confirme : «Le fait pour une femme de dénuder volontairement sa poitrine dans une église qu’elle savait accessible aux regards du public, peu important les mobiles ayant, selon elle, inspiré son action, caractérise le délit d’exhibition sexuelle.»

    Le délit est donc constitué. Qu’en est-il de la proportionnalité de l’ingérence dans la liberté d’expression ? Voici comment la Cour de cassation évacue l’argument : «La décision [de la cour d’appel] n’a pas apporté une atteinte excessive à la liberté d’expression de l’intéressée, laquelle doit se concilier avec le droit pour autrui, reconnu par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, de ne pas être troublé dans la pratique de sa religion, a justifié sa décision.»

    Pour la Cour de cassation, l’exhibition du corps ne peut avoir manifestement qu’un objectif, un objectif sexuel. Ce qui condamne le mode d’action politique spécifique des Femen, en le considérant, en soi, comme une infraction pénale. Autrement dit, ce n’est rien moins qu’une jurisprudence de censure générale d’une forme de message politique partant du corps des femmes, et portant sur leur corps, mais pas seulement, comme le montre l’action au musée Grévin. C’est, encore une fois, une façon de traiter les femmes en mineures.

    Une nudité à deux vitesses

    Quand le délit d’outrage public à la pudeur existait encore (2), la cour d’appel de Douai avait jugé, le 28 septembre 1989, à propos d’un homme ayant sauté nu dans l’eau du port de Boulogne et nagé jusqu’à un navire britannique en partance pour l’Angleterre, repêché, puis arrêté par la police, que «la simple nudité d’un individu sans attitude provocante ou obscène ne suffit pas à constituer le délit d’outrage public à la pudeur».

    Plus récemment, des jeunes gens entraînés par l’écrivain Arthur Dreyfus se sont livrés à une course totalement nus dans le jardin du Luxembourg en mars 2014. Ils n’ont pas été poursuivis, eux… Les Femen, qui défendent le droit des femmes à ne pas être considérées autrement que comme des objets sexuels, et ne dénudent que leurs seins, sont sanctionnées comme de vulgaires exhibitionnistes.

    La nudité des hommes et des femmes serait-elle différente ? Si les hommes le peuvent en toute impunité, les femmes n’auraient-elles pas le droit d’utiliser la nudité de leur corps dans un but politique pour dénoncer l’emprise du droit, de la morale, de la société et de la religion sur leur corps ? Eh bien non.

    Nudité politique contre nudité commerciale

    Si l’on résume l’ensemble des tabous vestimentaires qui s’appliquent désormais aux femmes, on obtient ceci : elles doivent montrer leurs cheveux dans les écoles, elles ne peuvent pas se couvrir entièrement, elles peuvent porter un burkini à Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) mais pas en Corse, elles ne peuvent pas non plus montrer leur poitrine dans un but politique, mais elles le peuvent s’il s’agit de faire de la publicité. N’est-ce pas précisément de cela qu’il s’agit ? Contenir sans arrêt et sous toutes formes, y compris contradictoires, le corps des femmes, lier leur corps au sexe, et le sexe au commerce pour mieux leur interdire l’accès au champ politique ?

    Face à une Cour de cassation qui n’hésite pas à censurer purement et simplement le mode d’activisme choisi et théorisé par les Femen, il ne reste qu’à espérer persuader la cour d’appel de renvoi qui rejugera la jeune ukrainienne de résister. Dans ces affaires, on le sait depuis Tartuffe, la perversité est dans le regard.

    (1) C’est ainsi que l’on désigne les tribunaux de première instance et les cours d’appel, qui jugent le fait et le droit. La Cour de cassation étant censée juger en droit pur.

    (2) Il a été abrogé en 1994.

  • 12 Octobre 2018

    Banksy et le droit du marché de l'art

    Article rédigé par Agnès Tricoire paru dans le Quotidien de l'Art n°1583 / 12 octobre 2018

  • 15 Juin 2018

    Liberté artistique : comment nous conseillez-vous de réagir face à un élu qui veut censurer l'un des spectacles que nous programmons ? Quels arguments juridiques invoquer ? - La Scène

    Réponse d'Agnès Tricoire dans la revue La Scène - n°89 - Juin 2018

  • 13 Juin 2018

    Mise en scène litigieuse des Dialogues des carmélites : un dialogue de sourds - Légipresse

    Commentaire de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 octobre 2015 par Agnès Tricoire

     

    Je publie ici le commentaire que j’avais rédigé pour Légipresse de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 octobre 2015. 

    Cette affaire défraya la chronique dans la presse, de Jean Marc Proust, sur le site Slate.fr (qui s'exclamait, à propos de la décision de la cour d'appel : "Vision étriquée ô combien ! Et tellement à rebours de la vie théâtrale...") au Figaro (Christian Merlin dénonce la "justice qui muselle la création"), jusqu'au site de France Musique qui publie un communiqué indigné. 

    Elle provoqua une nouvelle levée de boucliers contre le droit d'auteur des héritiers : une mise en scène était en effet condamnée pour sa réinterprétation d'une œuvre, non par l'auteur lui-même, mais par des héritiers, bêtes noires des chroniqueurs néophytes. Sur le plan juridique, dont on constate qu'entre le tribunal et la cour d'appel, il est également débattu, deux questions se posaient, l'une en droit des successions en matière de droit d'auteur, et l'autre concernant l'étendue du droit moral dans le contexte particulier d'héritiers non choisis par l'auteur. Quels sont les critères d'appréciation de l'atteinte au droit moral ?

    Cette décision, que je critique , est heureusement cassée par la cour suprême, ( première chambre civile de la Cour de cassation 22 juin 2017 -  pourvois n°15-28.467 et 16-11.759 (1)  au motif « Qu’en se prononçant ainsi, sans examiner, comme elle y était invitée, en quoi la recherche d’un juste équilibre entre la liberté de création du metteur en scène et la protection du droit moral du compositeur et de l’auteur du livret, justifiait la mesure d’interdiction qu’elle ordonnait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé (article 10§2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) ».

    La liberté d’interpréter les oeuvres doit en effet être absolument préservée. Et une interprétation excessive du droit d’auteur exercé non pas par les auteurs mais par les héritiers ne saurait prévaloir sur la liberté de mettre en scène les oeuvres du répertoire, ce qui se passe tous les jours sur scène. Les juristes devraient fréquenter plus souvent les scènes du spectacle vivant ! 

    (1) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035004718/)

  • 6 Mars 2018

    Liberté, je rappe ton nom - AOC

    Ces derniers temps, plusieurs affaires juridiques sont venues mettre en cause des rappeurs. La censure ou la velléité de censure contre des œuvres artistiques est loin d’être remisée au rayon des antiquités. En témoigne la pétition récemment lancée contre Orelsan après ses Victoires de la musique, qui a fait ressurgir les accusations de sexisme pour lesquelles il avait finalement été relaxé en 2016. En témoigne également la récente condamnation de Jo Le Phéno. Le cas du rap, par nature provocateur, est à cet égard riche d’enseignements pour traiter de la question de la liberté de la création. Il donne l’occasion de clarifier les divers outils dont disposent les juges pour ne pas condamner les œuvres et, au final, protéger le libre arbitre de chacun et l’espace critique des débats.

  • 16 Février 2018

    Galeries et artistes : le compte n'est pas encore bon !

    Article rédigé par Agnès Tricoire paru dans le Quotidien de l'Art n°1438 / 16 fevrier 2018 : ICI

  • 3 Janvier 2018

    Liberté de création : ne nous trompons pas de combat ! - Libération

    Tribune de l'Observatoire de la liberté de création parue dans Libération le 3 janvier 2018 (un grand merci à Libération !).

    Agnès Tricoire, co-délégué de l'Observatoire de la liberté de création.

     

  • 17 Novembre 2017

    Affaire des "silhouettes" sexistes de Dannemarie : dialogue entre un publiciste et une civiliste - Légipresse

    Si certaines discriminations peuvent, eu égard aux motifs qui les inspirent ou aux effets qu'elles produisent sur l'exercice d'une telle liberté, constituer des atteintes à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la méconnaissance du principe d'égalité ne relève pas, par elle-même, une atteinte de cette nature. En l'espèce, l'installation par une commune de panneaux représentant des silhouettes de femmes dans l'espace public n'a pas été inspirée par des motifs traduisant la volonté de discriminer une partie de la population et n'a pas pour effet de restreindre l'exercice d'une ou plusieurs libertés fondamentales.

    Agnès Tricoire, Serge Slama

  • 21 Septembre 2017

    Enquête : Dans les ateliers des faussaires du design

    A la faveur de l'engouement pour un design à moindre coût, le marché du faux explose. Simple imitation ou contrefaçon fidèle, les copies de meubles iconiques et d'objets de marque pullulent sur Internet et dans les grandes enseignes. Analyse du fléau.

    Par Pierre Léonforte

  • 12 Septembre 2017

    Montrer n'est pas faire l'apologie, premier épisode : coupable cigarette ?

    Article rédigé par Agnès Tricoire paru dans le Quotidien de l'Art n°1337 / 12 septembe 2017

  • 27 Mars 2017

    Le juge, l'oeuvre, le débat critique et les intégristes : la liberté marque un point - Légipresse

    Commentaire de l'arrêt de la Cour d'appel de Metz du 19 janvier 2017 par Agnès Tricoire

    La cour ne peut, comme le souhaite l'association demanderesse, analyser les écrits litigieux, présentés dans le cadre d'une exposition, en vue d'établir la responsabilité civile du Fonds régional d'art contemporain. Le jugement de valeur que porterait en ce cas la cour sur l'oeuvre litigieuse pour en sanctionner la diffusion réalisée et estimée préjudiciable par la demanderesse caractériserait une atteinte à la liberté d'expression et d'opinion des personnes concernées et constituerait corrélativement un manquement à la mission de protection des libertés individuelles dont les juges sont investis. Il ne peut être reproché au Fonds d'art contemporain d'avoir violé une quelconque loi en exposant l'oeuvre, sous réserve de ce qui a été jugé à propos de l'infraction de l'article 227-24 du code pénal que l'association demanderesse n'est pas habilitée à invoquer.

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    Tribune sur les Femen dans Libération : le corps des Femen peut-il être politique?

    https://www.liberation.fr/debats/2019/02/19/le-corps-des-femen-peut-il-etre-politique_1710360

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    Affaire des « silhouettes » sexistes de Dannemarie : dialogue entre un publiciste et une civiliste

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    Lady Gaga n’a pas parasité l’univers ou les oeuvres revendiquées d’Orlan

    Artcile d'Agnès Tricoire dans la revue Légipresse n°366 de décembre 2018